Le ministère de l’Intérieur espagnol, par le biais du Bulletin officiel de l’État (BOE), a publié en juillet 2025 un nouvel arrêté ministériel modifiant le Règlement général des véhicules. Cette réforme a pour objectifs principaux de moderniser le secteur, de décarboner le transport routier de marchandises et d’améliorer l’efficacité de la chaîne logistique, remplissant ainsi un mandat gouvernemental établi en 2022.
L’une des mesures les plus significatives est l’augmentation de la masse maximale autorisée pour les camions de cinq essieux ou plus, qui passe de 40 à 44 tonnes. Cette limite peut être étendue à 46 tonnes pour les opérations de transport intermodal. De plus, des augmentations spécifiques sont établies pour le transport de bois rond sur de courtes distances et pour les véhicules transportant des éléments longitudinaux indivisibles.
La réglementation simplifie également considérablement la circulation desdits “méga-camions” ou ensembles modulaires européens (EME). L’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour leur circulation est supprimée, leurs limites légales sont étendues à 72 tonnes et 32 mètres de longueur, et ils pourront circuler librement sur un réseau d’itinéraires préalablement approuvés par les autorités routières sur la base de rapports techniques.
Une autre nouveauté importante est l’augmentation de la hauteur maximale autorisée à 4,5 mètres pour le transport spécialisé de paille, d’animaux vivants et pour l’approvisionnement d’industries dans un rayon de 50 km. Cette mesure aligne les limites de ces secteurs sur celles déjà existantes pour les porte-voitures et les camions transportant des conteneurs certifiés.
L’arrêté est entré en vigueur le lendemain de sa publication, bien que les dispositions relatives aux masses maximales par essieu et autorisées le feront après trois mois. Pour les véhicules-citernes, ce délai est prolongé à six mois. Dans l’ensemble, ces mesures visent à obtenir une plus grande efficacité opérationnelle, réduire le nombre de trajets et de véhicules sur la route et favoriser la décarbonation du secteur.
L’approbation récente de la réglementation élargissant les limites de poids et de taille pour le transport de marchandises en Espagne a généré un débat prévisible et nécessaire au sein du secteur logistique. Les premières réactions des acteurs clés, tels que la CETM et l’AELOG, brossent un tableau d’acceptation théorique généralisée, mais avec de profondes réserves pratiques quant à sa mise en œuvre. Ce contraste entre le soutien de principe et les critiques substantielles révèle la complexité de moderniser un secteur si interconnecté et critique pour l’économie sans s’attaquer à tous les maillons de la chaîne.
D’un côté, les associations de transporteurs, représentées par la CETM, accueillent la mesure comme une avancée cruciale pour la compétitivité, s’alignant sur les standards européens et permettant une plus grande efficacité par trajet. Cependant, leur optimisme est tempéré par une inquiétude très concrète : la charge financière supplémentaire que cela représentera pour les indépendants et les entreprises. L’usure accrue des pneus, la consommation de carburant et les ajustements potentiels des péages sont des coûts qu’ils craignent de devoir supporter entièrement. Par conséquent, leur soutien conditionné à une révision fiscale est une position défensive et compréhensible, qui cherche à éviter que l’amélioration de la productivité ne se traduise par une marge bénéficiaire plus faible.
De l’autre côté, la vision des logisticiens et des chargeurs, articulée par l’AELOG, est encore plus sceptique. Leur critique se concentre sur un problème structurel : le manque de préparation des infrastructures terminales espagnoles. Ils alertent que la mesure pourrait créer un fossé d’efficacité, où les corridors internationaux bénéficieraient tandis que le dernier kilomètre—le trajet final jusqu’à la zone industrielle ou l’entrepôt—deviendrait un nouveau goulot d’étranglement. La question de savoir comment manœuvrer un véhicule de 32 mètres dans des installations qui n’ont pas été conçues pour cela pointe un problème fondamental que la réglementation seule ne peut résoudre.
Collectivement, ces positions révèlent que le succès de la réforme ne dépend pas seulement du changement légal, mais de mesures complémentaires abordant ses conséquences indirectes. Le gouvernement est confronté au défi de gérer une transition incluant des incitations fiscales pour les transporteurs et un plan d’investissement dans les infrastructures logistiques locales pour éviter une déconnexion entre les grands axes autoroutiers et les points de livraison finaux. Sans cette approche globale, il existe un risque réel que la norme, malgré sa bonne conception initiale, finisse par générer des inefficacités là où elle entendait les éliminer.
En définitive, l’élargissement des limites est un pas courageux et nécessaire vers la modernisation et la décarbonation, mais les voix du secteur rappellent qu’une chaîne logistique n’est aussi forte que son maillon le plus faible. La mesure sera finalement jugée non pas par son intention, mais par sa capacité à entraîner une amélioration réelle et équilibrée bénéficiant à tous les acteurs concernés, du chauffeur au chargeur, sans en surcharger aucun.
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